Q - "Mémoires partagées", c'est un ensemble de projets développés par l'association Cinémémoire dont vous êtes le fondateur. Pouvez-vous nous parler des circonstances qui ont concouru à la création de cette association ?

R - Cinémémoire, c'est une association qui a été créée officiellement en 2001, mais qui a commencé à exister de fait à partir de 1998, et qui était portée par une autre association, Circuit-Court. Le démarrage de Cinémémoire, ça a été la réalisation d'un film, " Mémoire d'Outremer ", que j'ai réalisé en 1997, et qui avait pour but de raconter l'histoire coloniale par des films amateurs.

Q - Aujourd'hui, quelles sont les activités de l'association ?

R - Donc, Cinémémoire, son activité principale, c'est de rechercher des images amateurs et des films de famille, de les numériser pour les conserver et les préserver de la destruction. Il s'agit de constituer une mémoire audiovisuelle de la région PACA et de l'histoire coloniale, notamment à partir des films réalisés par les Français qui habitaient dans les colonies. On a aussi développé un projet avec le Conseil Général et la Cinémathèque de Marseille et qui consiste à faire l'inventaire des films dans la région PACA. Aux vues des fonds de films qui étaient dispersés dans différentes associations, on a proposé à la région de réaliser un inventaire des films de la région PACA. Cela a déjà donné lieu à la création d'un site qui s'appelle "archives-films-paca.net ". On s'est aussi donné trois années, de 2009 à 2012, pour créer un portail des films en PACA, un portail à partir duquel on pourra interroger une base de données qui sera mise à jour par les différents partenaires.

Q - Et parmis ces activités, il y aussi " Mémoires partagées "...

R - "Mémoires Partagées", ce sont plusieurs projets, dans plusieurs pays, et portés par plusieurs personnes, qui sont coordonnés par Cinémémoire qui va s'occuper de créer un événement. On l'espère pour Marseille Capitale Européenne de la Culture en 2013. Ca consisterait à montrer les travaux qui ont été effectués par les différentes personnes qui ont travaillé sur le concept ou l'idée des "Mémoires Partagées ".

Q - En novembre 2008, il y a eu une première étape avec la diffusion du film Mémoire d'Outremer dont la réalisation a été le point de départ du projet. Comment vous est venue l'idée de ce film et quelle était votre ambition ?

R - L'idée, c'était d'explorer l'imaginaire colonial à travers les récits de vie des gens qui avaient habité dans les colonies. Donc, le meilleur moyen pour explorer ces récits de vie, c'était de travailler à partir des images qui avaient été faites par des amateurs. Là, on avait des images qui étaient complètement différentes de ce qu'on voyait d'habitude. On voyait des images de la vie quotidienne, on voyait des gens pendant leurs loisirs, pendant leur travail. Et on avait vraiment une vision différente des images officielles qu'on peut trouver dans les autres archives cinématographiques.

Q - L'idée de montrer une vision différente de l'histoire coloniale était donc présente dès le début ?

R - C'est une suite de circonstances. Avec Circuit-Court, on travaillait déjà en Super-8, donc on était équipé avec des projecteurs de petits formats, et là, est venue nous voir une personne qui nous a demandé de lui transférer de vieux films sur la Chine. On faisait plutôt des films expérimentaux, des films d'artistes... Et puis là, on a des images qui ne sont pas du tout montées, qui ne sont pas destinées à être montrées en public et en même temps, ces images-là, elles ont une présence et une pertinence qui sautent aux yeux. Elles racontent effectivement un moment d'histoire, mais un moment d'histoire très personnel et qui en même temps peut éclairer la grande histoire.

Q - Comment avez-vous procédé pour collecter ces films ?

R - On a fait les annonces, on a fait le marché aux puces... Parce que la deuxième étape, qui a été aussi au commencement de ce film-là, c'est que je trouve une pile de films qui avaient été faits par un missionnaire dans les années 50, à Madagascar ou en Afrique. C'étaient les Pères Blancs ou les Paulins, enfin un ordre religieux comme ça. Voilà, on a fait des recherches tous azimuts pour trouver des images et ce qui s'est passé, notamment quand on a rencontré des gens qui avaient filmé, c'est qu'on s'est rendu compte qu'il y avait une forte demande de la part des gens qui avaient habité dans les colonies, pour raconter. Et ça, parce que c'était une partie de l'histoire que personne ne voulait entendre, ni l'histoire officielle française qui avait un peu rejeté cette période-là, ni les pays colonisés, car pour eux non plus, ce n'était pas une période sur laquelle ils avaient envie de s'étendre. Pour eux, l'histoire commençait plutôt à partir du moment où ils étaient indépendants. Tout ce qui avait lieu avant, l'occupation, la colonisation, on n'en parlait pas. Donc là, les personnes qui avaient participé à cette histoire-là, elles racontaient leurs propres parcours, ce qui permettait de mieux comprendre les choses.

Q - Quelles ont été les diverses réactions après ce film ? Celles des anciens enfants de colons ? Celles des personnes issues de l'immigration ?

R - Justement, ce qui était intéressant, c'est qu'il y avait des réactions. Mais dans un certain sens, les gens qui ont vécu cette période-là, malgré tout, pour eux, c'était des rapports entre colons et colonisés. Bon, j'ai montré un petit peu les rapports de domination, de subordination qu' il pouvait y avoir entre les deux, colons et colonisés. Bon, ces rapports leur paraissent, encore aujourd'hui, souvent complètement normaux et acquis. Il y a assez peu de remises en question, en fait.

Q - Ces rapports de domination s'expriment d'ailleurs dans la manière dont sont filmés les corps...

R - Dans ces films, effectivement, quand on a un Africain qui porte un bébé blanc dans les bras, la personne qui porte le bébé, elle est coupée, on ne voit pas son visage. Donc oui, ces images peuvent exprimer ça. Mais en même temps, on se rend compte en visionnant l'ensemble des images qu'il y a une grande curiosité de la part des gens qui allaient dans ces pays-là sans les connaître et avec beaucoup d'a priori ou de préjugés. Donc, les films expriment aussi cette curiosité et puis cette attirance pour la culture des autres. Ca, on peut le voir dans certains films où les cinéastes amateurs vont aller filmer des cérémonies, filmer plutôt l'Afrique traditionnelle. Et puis, ces images-là, aujourd'hui, elles constituent les seuls documents filmés des années 30 à 60 sur ces pays. On voit Abidjan dans les années 50, on voit le Bénin, le Cameroun, on voit des images de villes et de villages de l'Afrique, notamment, ou du Viêtnam, de Madagascar ou d'Algérie et qui ont été filmées par les seuls cinéastes amateurs.

Q - Le film "Mémoire d'Outremer" a été projeté en Algérie dans le cadre de "Marseille, l'autre rive". De quelle façon ce film a-t-il été accueilli par le public algérien ?

R - On l'a projeté à Alger en novembre 2008, il est passé à l'ABC à l'invitation de l'association AFLAM de Marseille et de l'association Chrysalide qui est installée à Alger. On a montré ce film aux Algériens et justement, l'idée, c'était de voir comment aujourd'hui, 50 ans après l'indépendance, comment ces images-là sont perçues et comment ce moment d'histoire est vécu. Donc, on a montré le film, qui n'est pas un film uniquement sur l'Algérie, mais bon, c'était l'endroit le plus chaud, si on peut dire, où les questions se posaient d'une manière plus précise sur les rapports colons - colonisés. Et ce qui nous paraissait intéressant aussi, c'était de se demander comment ces images allaient être vues en Algérie et comment allaient-elles être vues en France par les descendants d'Algériens qui ont choisi d'y vivre, parce que cette histoire raconte aussi leur histoire, pourquoi eux sont venus habiter en France à une certaine époque. Et donc, en montrant ces images-là, on a eu un accueil qui nous a étonné parce que les gens qui ont vu les images étaient très intéressés. Ils avaient envie d'en voir d'autres. Et surtout, tout le monde, les cinéastes qui étaient présents, les historiens, les universitaires, tout le monde a dit : "cette période-là, il faut faire un travail dessus et croiser les regards sur cette période de l'histoire, ne pas laisser les malentendus ou les affrontements prendre le dessus sur les rapports entre les peuples algérien et français".

Q - Vous êtes l'auteur d'un autre film, "Chronique urbaine", sur le quartier de l'Estaque Nord Littoral, toujours sur le thème de l'identité culturelle. Quelles sont les réactions des personnes d'origine africaine sur ces films ? Y a-t-il une différence entre les réactions des immigrés de la première génération et leurs enfants ?

R - Aujourd'hui, tout le monde se pose la question. En tout cas pour ces jeunes-là, si on parle des jeunes ou même des moins jeunes, la grande question c'est celle de l'identité et de : Qui sommes-nous ? D'où on vient ? Alors, est-ce qu'on est Français ? Est-ce qu'on est Algériens ? Est-ce qu'on est plus du pays d'origine ou du pays dans lequel on habite ? Et éventuellement, ces projections et raconter cette histoire des rapports de la France et des pays anciennement colonisés, ça permet de mieux savoir d'où on vient et de mieux comprendre les choix que les parents ont pu faire ou l'identité qu'on peut avoir. A un moment donné, c'est important aussi, de raconter ce mélange des cultures et de raconter comment à une époque les différentes cultures ont pu se côtoyer et créer comme ça un mixage de cultures. En plus, c'est vrai qu'on retrouve beaucoup ça dans la région.

Q - L'actualité en ce début d'année 2009 pour Cinémémoire et ses "Mémoires partagées", c'est le développement du projet au Bénin et la diffusion du film "De la Négritude à la Tigritude" lors du festival Quintessence à Ouidah. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

R - Le film "De la Négritude à la Tigritude", c'est un film fait à partir d'archives, toujours, d'archives d'une dame qui a aujourd’hui une cinquantaine d'années et qui regarde les images de son enfance. Elle a trois ans sur les images qui sont filmées par son père. Donc, elle se regarde sur la plage de Cotonou et ça va déclencher tout un retour sur cette époque. A la fois sur l'époque où, elle, était enfant, et en même temps, toute une réflexion sur qu'est-ce que le Bénin aujourd'hui et vers où vont notamment les jeunes du Bénin. Donc, nous ce qu'on a fait, c'est de montrer ces images, ce qui s'est passé durant ces cinquante ans. Donc, effectivement y a eu la décolonisation, ce qu'on a appelé en tout cas les indépendances. Et donc nous, on est allé montrer ces images en avril 2008 à Parakou, qui est la deuxième ville du Bénin, à des jeunes du club RFI (Radio France Internationale). On a une quinzaine ou une vingtaine de jeunes qui regardent ces images et on leur demande d'en parler. On filme aussi les réactions de ces jeunes. Alors pour certains, ce qui était étonnant, c'est que Parakou, c'est au centre du Bénin, et on avait beaucoup d'images qui avaient été faites à Cotonou, qui est sur la côte, c'est le principal port du pays, et ainsi qu'à Ganvier, qui est une cité lacustre. Et Parakou, c'est presque le désert, c'est assez sec, on se rapproche déjà du Niger. Donc ces jeunes-là, on constate leur étonnement. Ils étaient contents de découvrir leur propre pays à travers ces images, en voyant des lieux dans lesquels ils n'étaient jamais allés. Et puis, comment dire ? Et puis on a commencé à parler surtout de l'histoire coloniale, des rapports avec l'Occident, avec la France. Et on a constaté que le questionnement principal de ces jeunes, au delà des rapports de domination concernant les rapports entre Blancs et Noirs, c'était : qu'est-ce qu'on va devenir ? Et qu'est-ce qui va se passer ? Notamment pour nous, pour le Bénin. Qu'est-ce qui va se passer pour ces jeunes-là dans les années qui suivent ? Donc, en fait, des grandes questions sur la mondialisation...

Q - Le film est un mélange d'archives et de ces réactions ?

R - C'est un mélange d'archives commentées par Odile, la fille de la personne qui les a filmées. Il y a ces jeunes-là... Et il y a une troisième histoire qui se mêle à ces deux-là, enfin qui n'en font qu'une, finalement, c'est l'histoire du train du Bénin. C'est l'Office Commun Bénin-Niger (OCBN). Et qui est assez révélateur aussi. A travers l'histoire de ce train, on peut vraiment raconter l'histoire du pays dans le sens où cette voie ferrée, elle est créée en 1910 suite à la conquête du Bénin - Dahomey à l'époque - par les Français. La conquête du Bénin, elle est fortement incitée par des commerçants marseillais qui fabriquent du savon et de l'huile, et qui vont donc chercher au Bénin de l'huile de palme. Ces gens-là, comme ils sont gênés dans leur commerce par le roi du Dahomey, ils demandent l'intervention de l'armée.
Ce qui intéresse grandement la France, puisqu'à côté y a les Allemands qui sont en train d'envahir le Togo et les Anglais au Nigéria. Il y a donc une guerre sanglante entre les Dahoméens qui étaient armés, avaient des fusils, qui étaient assez riches, parce que le roi du Dahomey était un roi assez puissant, et l'armée française. Donc, le Dahomey est annexé et quelques années plus tard, toujours un Marseillais, le beau-fils du marchand d'huile, décide de lancer une souscription pour fonder une société anonyme afin de créer une voie ferrée de Ouidah, où y a les factoreries d'huile, jusqu'à Parakou, en passant par le port de Cotonou. Il crée cette ligne qui est encore en exploitation aujourd'hui.

Q - Malgré quelques déboires...

R - Elle est en faillite complète, même. Tous les gens qui travaillent à l'OCBN, ne sont plus payés depuis six mois.

Q -Alors, cette voie ferrée est un peu un raccourci de l'histoire coloniale et de la décolonisation ?

R - Oui, à travers l'histoire de cette voie ferrée, on comprend les questions qu'on peut se poser et qui sont compliquées, sur l'époque coloniale, sur l'époque de transition et sur l'époque actuelle. Et puis sur l'avenir du Bénin, l’avenir de ces infrastructures-là et de l'économie. Parce que le train qui va de Cotonou à Parakou, est passé d'environ huit trajets par jour à un trajet par semaine,. Nous avons essayé de prendre le train pour aller à Parakou. Aujourd'hui, il n'y a plus de passagers, il n'y a que des marchandises, alors qu'à l'époque c'était rempli. Il y avait plein de gens qui le prenaient. Nous, on n'a pas pu le prendre, à chaque fois il était en panne. Et donc le seul trajet qu'on a pu filmer, c'est de la gare au port. Du coup, les gens ne se déplacent pas beaucoup. Enfin, les Africains se déplacent beaucoup, mais à la rigueur, ils vont peut-être aller plus facilement en Europe ou à Bamako que visiter leur propre pays.

Q - Les préoccupations des Africains évoluent. Est-ce aussi ce qui explique le titre du film "De la Négritude à la Tigritude" ?

R - Disons que c'est le dépassement de cette question sur l'affirmation de la culture africaine, qui à une époque avait un sens, mais qui à un moment donné se retrouvait dans une espèce d'impasse et qui a été critiquée. Donc, c'est Wole Soyinka (ndlr : Prix Nobel de littérature en 1986) qui avait répondu par le concept de Tigritude au concept de Négritude en critiquant le côté abstrait de ce concept qui selon lui ne pouvait plus apporter de solutions aux Africains. Il a dit : "un tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore ". Donc c'est toujours la même question, les Africains, ils se posent la question de savoir comment bondir au niveau économique, pour que leur pays puisse leur fournir des emplois et des moyens de développement.

Q - Quels sont les prochains développements du projet au Bénin ?

R - C'est un travail qui suit une certaine progression. Donc là, c'est une première étape, on doit retourner au mois de février à Parakou pour retravailler avec les jeunes puisqu'on a eu des contacts intéressants. Et puis, on a vu des gens qui avaient une réflexion sur les rapports entre l'Occident et leur pays qui nous semble intéressante, notamment avec un professeur d'histoire qui s'appelle Ayouba Garba qu'on voudrait mettre en contact avec un professeur de la MMSH (ndlr : Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme) qui est spécialiste de l'histoire de l'Afrique de l'Ouest. Donc l'idée, c'est de pouvoir les mettre en relation afin, justement, qu'il y ait un échange. Cet échange sera aussi visible sur le site : un forum permet de partager les différentes visions sur cette histoire commune et puis sur l'avenir de ce pays-là. D'où aussi ce projet d'atelier à Parakou avec les jeunes de RFI et Radio Arzeke dans lequel on voudrait proposer aux jeunes de faire des films à partir des images qu'on a du Bénin. Donc, de repartir sur des histoires créées avec eux au niveau du scénario, notamment.

Q – D'autres projets sont en cours avec l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie ou sont à l'étude...

R – Le projet "Mémoires partagées", concerne tous les pays anciennement colonisés. Donc le grand principe, c’est de dire que cette mémoire que nous avons constitué, c’est une mémoire audiovisuelle, mais elle concerne aussi les pays dans lesquels celà a été filmé. D’où l’idée à la fois de partager une réflexion sur l’histoire commune et en même temps de partager ces images. On souhaite aller dans les pays dans lesquels ces images ont été faites et les montrer à des gens, aussi bien des historiens que des cinéastes qui auraient envie de travailler sur ces images-là. Cela veut dire aussi qu’on souhaiterait que des réalisateurs de ces pays puissent travailler aussi à partir de ces images. Donc, on voudrait organiser en partenariat avec des pays ou des associations installées dans ces pays, des ateliers vidéo dans lesquels on proposerait aux réalisateurs de regarder les images et puis de raconter aussi leur histoire à partir de ces images.

Q – Avec toujours la même idée : susciter le débat, la réflexion.

R – A la fois réflexion et puis création. Créations de films qui pourraient être diffusés dans des événements comme Marseille 2013, puisque c’est vrai que Marseille, c’est le lieu de départ, la porte de l’Orient comme on l’appelait. Donc, dans l’histoire de Marseille, il y a aussi cette histoire coloniale qui est inscrite et il me semble que ce serait important qu’il y ait un travail à la fois des Marseillais sur cette histoire-là, mais aussi un regard croisé avec des films qui sont faits par des réalisateurs originaires de ces pays-là.

Q – Ces partenariats sont en bonne voie ?


R – (Rires) C’est compliqué. A vrai dire, c’est super compliqué. C’est-à-dire que dans beaucoup de pays, il y a une histoire officielle qui a été écrite et notamment les pays dans lesquels la démocratie n’est pas totalement acquise, notamment sur le pourtour méditerranéen. C’est vrai qu’on est dans des configurations où l’Etat a quand même une parole officielle sur l’histoire ou sur la culture qui ne permet pas toujours aux gens de faire un travail objectif ou même subjectif sur l’histoire. Mais bon, c’est en train d’évoluer et puis l’histoire coloniale commence à être assez ancienne pour que les historiens s’y intéressent et puissent faire leur travail sans être influencés. Il est nécessaire de pouvoir écrire l’histoire de manière scientifique ou en tout cas plus objective, la plus objective possible. Voilà, et de ne pas figer le récit sur l’histoire, surtout. Je pense que c’est ça qui est le plus important. Donc, c’est aussi en réaction à ce genre de dérives-là qu’il nous a semblé important de dire "on a des documents qui racontent cette histoire-là", qui sont des documents inédits, qui ne sont pas des documents écrits, qui ne sont pas forcément toute la réalité, mais qui peuvent permettre aussi d’avoir une vision différente.

Q – Surtout qu'avec le regard que l'on peut porter sur ces images aujourd'hui, on ne peut pas parler de glorification de l’histoire coloniale...

R – C’est vrai que lorsqu'on replace ça avec un regard critique, souvent on peut très vite utiliser les images pour se moquer du colon. Si on met des images d’un blanc qui se promène dans les rues avec son beau casque colonial et qu’on met par-dessus un texte sur les massacres qu’il y a pu avoir dans ces pays-là, oui, effectivement, le colon il a l’air un peu ridicule. Mais bon, ce n’est pas le but non plus, ça serait un peu facile aujourd’hui. Je pense qu’il faut arriver à apaiser les conflits et puis essayer en même temps de raconter ce qui s’est passé sans jeter la pierre à quelqu’un.

Q - La prochaine étape des "Mémoires partagées" passe par l'Afrique ?

R – On va partir du 15 février au 05 mars. Du 15 au 26 février, on va être à Parakou pour faire l’atelier avec le club RFI et ensuite, on va partir directement de Parakou jusqu’à Ouagadougou au Burkina Faso pour participer au festival du cinéma africain, le FESPACO, qui a lieu du 28 au 07 mars. Et donc, c’est dans le cadre d’un travail de la création future de la cinémathèque africaine qui devrait se monter en parallèle au Fespaco, en tout cas au Burkina. Là, on va montrer des images et commencer à participer au projet de restitution d’images d’archives aux pays africains. Oui, s'il y a un des projets qui peut marcher en Afrique, ça serait peut-être ce projet de cinémathèque africaine au Burkina. On va montrer qu’il y a des images sur l’Afrique, qu'il y a des images à conserver et ensuite, on va chercher comment conserver les images, comment les rendre accessibles pour des réalisateurs africains. Ce seront les questions auxquelles devront répondre les gens qui portent le projet de cinémathèque africaine, et nous, on souhaiterait participer à ce projet-là.

 

Entretien avec Claude Bossion réalisé par Résurgences, en février 2009

Plus d'informations sur les films de Claude Bossion sur le site de Résurgences: koinai.net