Femmes cinéastes amateur
La majorité des films amateurs et des films de familles sont réalisés par des hommes, pour la plupart de "bons pères de famille". Les statistiques dans la collection Cinémémoire sont édifiantes: les films réalisés par des femmes représentent moins de trois pour cent de la collection de Cinémémoire. Sur plus de 500 déposants/cinéastes, seulement 6 fonds de films sont identifiés comme étant réalisés par des femmes. On aurait pu s’attendre à ce que la vague féministe qui a vu le jour dès les années 1920 dans les démocraties occidentales, puis au cours des années de libération sexuelle des années soixante, favorise l’émergence d’un cinéma amateur au féminin. Nous n’aurions pas été étonnés de voir des films amateurs ou familiaux revendiquant une nouvelle place des femmes dans la famille et dans la société. Non, il n’en est rien, du moins à première vue... Nous n’avons pour l'instant pas identifié dans la collection de films de Cinémémoire de films à proprement parler féministes, pas de prises de position engagées, ou militantes, pas de visions oppressantes, pas de volontés affichées de changer le monde... Peut-être les découvrirons-nous ua fil de nos recherches et des nouveaux dépôts de films...
Mais le simple fait que ces femmes se soient saisies d’une caméra et aient tourné des films nous interroge sur ces images. Existe t-il une manière de filmer au féminin ? En quoi les films réalisés par des femmes sont ils différents, d'ailleurs le sont ils ? Peut on parler d’un regard féminin sur le monde ?
Il nous semble encore tôt, au regard des quelques fonds de films que nous conservons, pour répondre à ces questions. Sur ces pages que nous complèterons au fil de la documentation des films et de nos futures découvertes, vous trouverez une sélection thématique constituée de films tournés par des femmes cinéastes du vingtième siècle.
Peut-être des hommes se sont-ils glissés derrière la caméra le temps de filmer quelques plans: il est parfois difficile de déterminer qui est le cinéaste dans les films de famille, la caméra passe d'une main à l'autre, les enfants filment leurs parents, les maris leur épouse, les amis jouent aux portraits croisés... Toujours est-il que ces films, lorsqu'ils nous ont été confiés, nous ont été présentés comme ayant été tournés par des femmes. Si vous y reconnaissez parfois quelques touches masculines, c'est qu'elles ne craignaient pas de confier leur caméra à certains de leurs proches!
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Brigitte Delcroix, dans les pas du père Brigitte Delcroix, née en 1936 à Lille, a, dès son enfance, été confrontée à la caméra 8mm de son père. Pendant les 20 premières années de sa vie, Paul Delcroix a filmé sa fille avant que celle-ci ne reprenne la pratique de son père. Dans ces films, on voit Brigitte petite, sourire, courir, saluer la caméra. Il est amusant de remarquer que Brigitte demande à ses filles de courir, sourire et saluer la caméra, comme elle-même le faisait quelques années plus tôt devant son père ...
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Montages thématiques à partir des films de Lisette, Lison et Jacqueline L et des films de Jeannine Boitelle
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Les sœurs cinéastes | Les maris | Les aventurières |
Quelques femmes cinéastes dans la collection de Cinémémoire
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Lisette, Lison et Jacqueline L. Lisette, Lison et Jacqueline L. sont trois sœurs cinéastes amateur, qui ont filmé entre 1957 et 1981 leur vie quotidienne et leurs voyages,au Gabon, au Maroc, en Espagne, puis en Provence à leur arrivée à Marseille. |
« Je filme depuis toujours », disait Jeannine Boitelle en 2017. En 8 mm puis en Super 8 mm, Jeannine filme, en effet, dès le début des années 1950, sa famille, ses voyages, mais aussi sa vie quotidienne dans les différents pays d'Afrique où elle a vécu. |
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Christiane Nicoud | Anet Merilhou Paris | Danièle Passelaigue |
Ces pages ont été réalisées grâce au Programme national de Numérisation et Valorisation des contenus culturels du ministère de la culture, que nous remercions!

Ce texte est extrait de l'article "FILMS PRIVES DANS L'ESPACE PUBLIC" de Karianne Fiorini et Dwight Swanson, publié dans l'e-book « OPEN ACCESS CINEMA », ouvrage collectif réalisé sous la direction de Gianmarco Torri à l'occasion de la 57ème édition de la « Mostra Internazionale del Nuovo Cinema di Pesaro »
La scène française du film de famille et d'amateur est plutôt exceptionnelle en Europe, du fait d'un intérêt de longue date pour les archives et la préservation du patrimoine cinématographique amateur. Dans les années 1980, de nombreuses archives nationales, régionales et locales et des associations culturelles ont commencé à préserver cet héritage filmique, et un travail significatif pour rendre ces films accessibles a été fait ces dernières années. Le parcours cinématographique que nous emprunterons en France sera celui des films créés par des femmes cinéastes amateur - une minorité dans le monde de la pratique du film de famille et d'amateur.
Cinémémoire, cinémathèque de films amateurs basée à Marseille, qui a commencé son activité en 1995, a récemment mis en ligne six fonds de films tournés par des femmes. Notre sélection inclut deux films de Jeannine Boitelle, née en 1929 dans la ville de Tuléar, à Madagascar, où son père avait émigré au début du 20ème siècle. Elle a vécu au Tchad, à Abidjan, au Cameroun, au Niger, au Togo, en République Centrafricaine, aux deux Congos et au Gabon, et a tourné plus de 60 films, à une époque où la pratique du cinéma amateur était majoritairement masculine. Elle nous donne un regard singulier sur l'histoire coloniale et postcoloniale, qui était à ce moment en train de s'écrire, et, même dans les films qu'elle créait pendant ses vacances, elle faisait le travail d'un ethnographe. Le premier film présenté est Forêt primaire, Pygmées, tourné en super 8 dans la seconde moitié des années 60, dans un village pygmée de la forêt équatoriale, dans laquelle elle suit de près des moments de la vie de ce groupe ethnique. Le second film, Pêcheurs de Nazaré, tourné au Portugal dans les années 70, documente brièvement le travail des pêcheurs locaux, prêtant une attention particulière sur le travail d'un groupe de jeunes femmes sur la côte du village de pêcheurs de Nazaré.
De la cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain, située à Veyrier du Lac, nous avons sélectionné un film réalisé par Colette Vibert-Guigue, née en 1941 à Beaufortain. Elle travaillait avec ses parents sur leur petite ferme, où étaient élevés des vaches, des moutons et des chèvres. En 1969, elle décide d'acheter une caméra super 8 pour documenter le travail de ses parents, et conserver une trace de leur vie quotidienne. Les projection de ses films étaient exclusivement réservées à la famille. Travail agricole dans un village savoyard, tourné en 1977 à côté de sa maison à Beaufort, une commune du département de Savoie dans le vallée du Beaufortain, située dans la région d'Auvergne-Rhône-Alpes, nous révèle les rituels quotidiens et les changements de saison dans cette petite communauté rurale.
En recherchant dans la collection de Ciclic, l'agence régionale du Centre-Val de Loire pour le livre, l'image et la culture numérique, qui collecte, sauvegarde, et valorise les films amateurs et professionnels tournés dans cette région depuis 2006, nous avons découvert, entre autres, deux cinéastes prolifiques: Marie-Françoise Arhuero and Soeur Marie Sainte-Anne Potesta. Marie-Françoise Arhuero, née à Tours en 1927, a développé une passion pour la photographie et le cinéma dès sa jeunesse. Elle avait 16 ans lorsqu'elle décida de devenir photographe professionnelle en entrant au studio Arhuero à Joué-les-Tours. Elle y rencontra Jean Arhuero, qui inventa et manufactura une développeuse de films miniature par le biais de son entreprise SEBA (Société d'Exploitation des Brevets Arhuero). Comme Arhuero était occupé par l'amélioration de ses développeuses , il embaucha Marie-Françoise en tant qu'assistante, et elle réalisa des films 9,5mm pendant que Jean testait ses machines. Elle fut l'une des rares a faire partie d'un caméra club, le C.A.C.T. - Club des amateurs cinéastes de Tours. Chacun son Tour est un film 9,5mm qu'elle a réalisé avec Jean Arhuero, dans le cadre des activités du C.A.C.T. et c'est un reportage assez détaillé sur le 35ème Tour de France en 1948. Une courte séquence montre le van dans lequel était installé la "Cabine laboratoire équipée avec les développeuses universelles Jean Arhuéro - Caméra 16m/m E.T.M.-P.16", explorant le laboratoire itinérant où l'on découvre l'équipement et le travail de développement. Fernande Potesta, mieux connue sous le nom de Soeur Sainte-Anne, née à Oran en Algérie en 1889, arriva en France en 1936 pour rejoindre la congrégation des Soeurs de Marie Immaculée à Bourges, sous le nom de Soeur Marie-Sainte-Anne. A partir de ce moment, elle entra au service de la paroisse de Lignières, où elle resta pendant 40 ans. Elle commença à filmer dans les années 1950, lorsqu'elle démarra la création d'une petite bibliothèque de films Pathé Baby en 9,5mm (principalement des documentaires et des films de comédies) pour les enfants du Patronage de Lignières. Avec sa caméra 9,5 mm, elle devint une sorte de reporter pour la paroisse, en filmant les activités du patronage de Lignières et les voyages et pélerinages organisés par l'Abbé Jacques Seveau au Mont-Saint-Michel, à Lourdes et à Fatima. Elle s'intéressait surtout à l'enfance, et Voyage à Lisieux, tourné en 1953, documente ce voyage en Normandie avec une halte finale à la plage de Trouville-sur-Mer avec tous les enfants du Patronage de Lignières.
Pour terminer cette section consacrée aux femmes cinéastes amateur françaises, nous présentons un film d'Odette Guilloux, réalisatrice prolifique, intitulé Tourisme en Italie 1933-1935. Le film a été tourné au cours d'un voyage en Italie, dans lequel elle nous mène en promenade dans les villes de Gènes, Pise, Florence, Rome, Naples, et nous amène au plus près de l'impressionnant volcan actif qu'est le Vésuve. Odette Guilloux, née en 1905, venait d'une famille bourgeoise de Laval, dans les Pays de la Loire, et commença à filmer en 1928, quand son père lui offrit une caméra 9,5mm Pathé Baby. Elle filmait tout et tout le monde: la vie quotidienne, la famille, les amis, les vacances, et continua à filmer jusqu'au début des années 1980. La collection complète de ses films est conservée à la Cinémathèque de Bretagne, fondée en 1986 et située à Brest.
Télécharger l'e-book "Open access cinema"
Le site de la Mostra Internazionale del Nuovo Cinema di Pesaro
Pages thématiques sur le site de Cinémémoire: Femmes cinéastes amateur
Les films de Jeannine Boitelle
« Je filme depuis toujours », disait Jeannine Boitelle en 2017.
En 8 mm puis en Super 8 mm, Jeannine filme, en effet, dès le début des années 1950, sa famille, ses voyages, mais aussi sa vie quotidienne dans les différents pays d'Afrique où elle a vécu.

Mais le simple fait que ces femmes se soient saisies d’une caméra et aient tourné des films nous interroge sur ces images. Existe t-il une manière de filmer au féminin ? En quoi les films réalisés par des femmes sont ils différents, d'ailleurs le sont ils ? Peut on parler d’un regard féminin sur le monde ?
Il nous semble encore tôt, au regard des quelques fonds de films que nous conservons, pour répondre à ces questions. Sur ces pages que nous complèterons au fil de la documentation des films et de nos futures découvertes, vous trouverez une sélection thématique constituée de films tournés par des femmes cinéastes du vingtième siècle.
Peut-être des hommes se sont-ils glissés derrière la caméra le temps de filmer quelques plans: il est parfois difficile de déterminer qui est le cinéaste dans les films de famille, la caméra passe d'une main à l'autre, les enfants filment leurs parents, les maris leur épouse, les amis jouent aux portraits croisés... Toujours est-il que ces films, lorsqu'ils nous ont été confiés, nous ont été présentés comme ayant été tournés par des femmes. Si vous y reconnaissez parfois quelques touches masculines, c'est qu'elles ne craignaient pas de confier leur caméra à certains de leurs proches!
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Lisette, Lison et Jacqueline L., 3 sœurs cinéastes amateurLisette, Lison et Jacqueline L. sont trois sœurs cinéastes amateur, |
Sélection thématique des films de Lisette, Lison et Jacqueline L.
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Quelques femmes cinéastes dans la collection de Cinémémoire
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Christiane Nicoud | Anet Merilhou Paris | Danièle Passelaigue |
Ces pages ont été réalisées grâce au Programme national de Numérisation et Valorisation des contenus culturels du ministère de la culture, que nous remercions!