Une sélection de films d'Yvonne Allemand, contextualisés par Abel Soussan-Bueno grâce à un entretien avec André Dubant, le déposant de ces films et petit-fils de la cinéaste, est à découvrir sur notre dossier thématique "Femmes Cinéastes Amateur".
Yvonne Jeanne Alcidie Augustine Caron, connue sous le nom d'Yvonne Allemand, est née le 7 novembre 1892 à Valenciennes. Elle est la fille d'Auguste Caron, pharmacien, et de Jeanne Louise Dubois. Le 27 janvier 1914, Yvonne Caron épouse Jean Charles Gustave Allemand à Paris.
En tant que cinéaste amateur, Yvonne Allemand a tourné 46 films d'une à deux minutes chacun entre 1927 et 1939. Ces films muets, réalisés en noir et blanc, sont tous enregistrés sur pellicule 9,5 mm. Yvonne a capturé divers aspects de sa vie, notamment des moments familiaux, des scènes de chasse, des voitures, des vacances, et des événements culturels. Son activité de cinéaste a été interrompue brusquement en 1940 lorsqu'un cambriolage dans son appartement de Marseille a conduit au vol de sa caméra. Yvonne n'a pas repris la réalisation de films après cet incident. La
cinéaste décède le 26 octobre 1991 à Marseille, à l'âge de 98 ans. Elle repose au cimetière des Olives de Marseille.
Suite à un entretien avec André Dubant, petit-fils de la cinéaste et déposant de ses films, nous avons appris beaucoup de choses sur la vie d’Yvonne Allemand. Elle était une femme dont la joie de vivre marquait tous ceux qui la connaissaient. Elle a pratiquement traversé l'ensemble du XXe siècle, affrontant des périodes difficiles. Ayant vécu les deux guerres mondiales et perdu son mari en 1948, elle est restée veuve jusqu'à la fin de sa vie. Yvonne parlait peu des épreuves qu’elle avait traversées, mais lors de rares occasions, elle évoquait avec son petit-fils des souvenirs de
l’occupation allemande en France, notamment autour des rationnements et les bombardements. Malgré ces épreuves, Yvonne a su conserver une incroyable autonomie, une indépendance remarquable pour une femme de son époque. Elle a continué à mener une vie active et pleine de
dynamisme, en s'entourant d'amis et en entretenant des relations sociales riches et diverses. Bien qu'elle ait vécu seule la seconde moitié de sa vie, Yvonne n'a jamais été isolée. Elle était constamment entourée par sa famille et ses amis. Elle partait souvent en vacances, aimait découvrir
de nouveaux lieux et n'hésitait pas à organiser des excursions avec ses amies.
Femme à la carabine, 1927
Film 9,5 mm, noir et blanc, muet, 693-006, 2min11
Plusieurs films d’Yvonne Allemand se concentrent sur des scènes de chasse en famille. Dans les années 1920, la chasse était une activité très répandue, encadrée par beaucoup moins de réglementations qu’aujourd’hui. C'était avant tout un moment de convivialité, un prétexte pour se réunir entre amis et profiter du plaisir de prendre l’air en pleine nature. Yvonne et ses proches avaient l'habitude de chasser près de Salon-de-Provence, ainsi que dans un domaine situé à Ollières, qui appartenait à des amis de la famille. Ils y passaient fréquemment leurs week-ends, renforçant ainsi leurs liens à travers ces sorties en plein air. Fait rare dans les films d’Yvonne, où elle est habituellement derrière la caméra, ce film la montre elle-même en train de chasser.
24h du Mans, 1928
Film 9,5 mm, noir et blanc, muet, 693-023, 2min09
Yvonne, dont le mari était concessionnaire automobile à Marseille, a développé une passion marquée pour les voitures, un intérêt probablement né de l’influence de son époux, mais qui est rapidement devenu un domaine où elle a su s’affirmer. Les voitures occupent une place centrale dans ses films, témoignant de cette passion commune. Yvonne ne se limitait pas à filmer des scènes de la vie quotidienne en voiture; elle a même dédié des films entiers à des événements automobiles emblématiques, tels que les 24 Heures du Mans en 1928 ou la course automobile de Monte Carlo en 1931. Elle n’était pas seulement spectatrice de cet univers, mais participait aussi à des courses automobiles dont certaines qu’elle remportait.
Balade à dos d'âne sur le cirque de Gavarnie, 1929
Film 9,5 mm, noir et blanc, muet, 693-012, 2min12
La cinéaste a immortalisé de nombreux moments de ses vacances, qui se déroulaient exclusivement en France. Elle voyageait fréquemment avec sa famille ou pour retrouver ses amis, capturant à travers sa caméra ces instants de détente et de convivialité. Ses films reflètent ce goût pour les escapades françaises, avec des destinations variées comme les séjours ensoleillés à Hyères en 1929 ou encore les stations de ski de La Chalp dans le Queyras, où elle filma ses vacances d’hiver en 1936. Le film ci-dessus montre une balade à dos d’ânes sur le cirque de Gavarnie, où l'on peut
d'ailleurs reconnaître le mari d’Yvonne.
Hippodrome et parc Borely sous la neige, 1929
Film 9,5 mm, noir et blanc, muet, 693-027, 1min07
Après leur mariage en 1914, Yvonne et Jean Charles s’installent à Marseille, où ils ont résidé rue de Rome. Yvonne et son mari ont ainsi fait de Marseille leur foyer. Le couple a eu une fille en 1917, Francine Hélène Elise Allemand, qui s'est mariée le 16 juillet 1941 et qui est récemment décédée en 2016. Peu de films d’Yvonne montrent sa vie de famille à Marseille, mais celui-ci capture la neige tombée sur la ville en 1929, lors d'une promenade à l'Hippodrome et dans le Parc Borély.
Corrida à Céret, 1930
Film 9,5 mm, noir et blanc, muet, 693-033, 2min08
La corrida, bien que moins répandue aujourd'hui, occupait une place importante dans la culture et les traditions du début du XXème siècle, où elle était perçue avant tout comme un spectacle. Les films d’Yvonne Allemand capturent cette atmosphère unique : à travers ses films, en 1930 à Mollèges et à Céret, ou en 1931 à Arles, on découvre des scènes de corridas où l'excitation du public est palpable, ainsi que des moments où des hommes posent fièrement aux côtés du taureau. Dans l'un de ses films, Yvonne va jusqu'à filmer la mise à mort du taureau, une scène qui, bien qu'impressionnante, fait partie intégrante du spectacle. Ces films témoignent non seulement de sa fascination pour la corrida, mais aussi de la manière dont ces événements étaient intégrés dans la vie culturelle.
Mariage Berthe et Camille, 1939
Film 9,5 mm, noir et blanc, muet, 693-044, 2min02
Yvonne immortalise ici le mariage de ses amis de longue date, Berthe et Camille, dans le Var. Elle gardera contact avec eux une grande partie de sa
vie.
Nous remercions sincèrement Monsieur André Dubant pour avoir pris le temps de discuter au sujet de sa grand-mère, Yvonne Allemand.
Votre contribution a grandement enrichi notre compréhension et nous a permis d'approfondir la documentation de ses film. Merci encore pour votre disponibilité et votre aide !
Texte et films sélectionnés par Abel Soussan Bueno, étudiant en Master Histoire du Genre à l'Université de Toulouse Jean Jaurès, lors de son stage à Cinémémoire de juillet à septembre 2024.
Voir tous les films d'Yvonne Allemand: https://cinememoire.net/partage?p=1&id=602