Par Emilien JACOB : étudiant en sociologie (Licence 3) à l'université d'Aix-Marseille

 

Dans l’imaginaire collectif, la pétanque est une pratique directement associée au département des Bouches-du-Rhône. Le projet « arpenteurs d’images » se devait d’aborder cette thématique.

Sur le plan historique, la pétanque est née au début du 20e siècle à La Ciotat. Comme la plupart des jeux de boules présents en France (les boules lyonnaises par exemple), la pétanque a comme ancêtre le jeu de boule, datant lui du moyen-âge. Durant près de vingt ans, entre le début du 20e siècle et le milieu des années 1920, ce jeu est resté à l’échelle des Bouches-du-Rhône. C’est en 1927 que les règles de la pétanque furent établies. C’est en 1945 que l’on peut parler réellement d’institutionnalisation de la pétanque. En effet, cette année-là, la FFBJPP (Fédération Française Bouliste de Jeu Provençal et de Pétanque) fut créée à Marseille. Elle deviendra par la suite la FFPJP (Fédération Française de Pétanque et de Jeu Provençal) qui est encore en activité aujourd’hui. En 2010, selon le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, cette fédération comptait 300000 licenciés. Ce qui montre bien l’expansion de la pétanque sur plus d’un siècle, au niveau de ses pratiquants : qu’ils soient reconnus par la fédération ou joueur occasionnel.

La pétanque a été sujette à une évolution considérable en un siècle. Passant d’un loisir amateur joué sur un territoire restreint à un sport tentant d’être reconnu comme sport olympique à part entière. Etant donné que nous travaillons sur des films amateurs, il serait pertinent de regarder si, au niveau de ses représentations, la pétanque se situe dans ce processus évolutif. Pour tenter de répondre à cette question, nous allons diviser l’analyse via plusieurs thèmes : la comparaison homme/femme dans la pratique, la dimension cinématographique, le concours de pétanque, le lieu et enfin, sa dimension historique.

Le concours de pétanque : une évolution au travers les âges

 

Quand on parle de pétanque, on a tendance à oublier l’aspect compétitif de cette pratique, au profit de l’aspect récréatif. Les médias grand public mettent peu en lumière les compétitions de pétanque. Cela vient probablement du fait que ce sport intéresse un public trop restreint pour qu’il puisse être médiatisé. Ici, nous n’allons pas nous intéresser aux représentations télévisuelles mais aux représentations amateurs via deux films. Chacun de ces films s’inscrit dans un contexte, une époque et un lieu différent. Il sera donc intéressant de les comparer.

Le premier film a été tourné en 1938 à Cassis dans le cadre d’un concours organisé près du port. La première remarque peut être faite au niveau de la tenue des joueurs. En effet, tous les joueurs ont un chapeau, sans exception. Pour le reste, on observe quelque variation : la plupart des joueurs sont en costume-cravate, d’autres ont un gilet à la place de la veste de costume. Ce qui détonne avec la vision que l’on peut avoir de la pétanque au niveau vestimentaire, une tenue dite « décontractée » serait plus approprié. Peut-être que le concours imposait aux joueurs de s’endimancher pour l’évènement ? Difficile d’apporter une réponse précise. Quand on s’attarde sur le comportement des joueurs, nous remarquons qu’ils très expressifs : ils sautent sur place, lèvent les bras, se dépêchent pour aller jouer, etc…. Enfin, dernière remarque, il n’y a pas de spectateur. C’est qui est étonnant puisque le port est relativement proche du centre-ville. On peut émettre deux hypothèses : soit les spectateurs sont hors-champs, soit la pétanque était trop méconnue à l’époque pour qu’il y ait des spectateurs.

Le deuxième film se passe dans les années 1970 à Marseille. Ce concours, de boule lyonnaise, est organisé par le journal « la provençale » (la provence aujourd’hui) et la marque « pastis 51 ». Au niveau des tenues, les joueurs portent des vêtements qui renvoient à l’été, la chaleur, les vacances, etc…. En effet, ils sont tous en t-shirt, certains sont en short, d’autres en jean. Pour ce qui est des chapeaux, il y en a peu : des chapeaux de paille et un chapeau mexicain. Quand on regarde le comportement des joueurs, on remarque qu’ils sont concentrés sur le jeu. Certains discutent mais le centre de l’attention reste le jeu. On note aussi un certain esprit de compétition. Les expressions corporelles des joueurs sont destinés à la caméra ou découlent du jeu (exemple : un joueur saute et exulte après un lancer). Contrairement au film précédent, il y a du public. Il reste au bord du stade ou des terrains. Il doit y avoir probablement les familles des joueurs et des curieux.

Après avoir développé une analyse de ces deux films selon plusieurs aspects, il ressort que ces deux concours de pétanque sont totalement différents. Au niveau de la tenue des joueurs, de leurs comportements, du cadre (sur des terrains en centre-ville pour l’un, un stade pour l’autre), etc…. Il y a quelque chose d’étonnant et de paradoxal qui ressurgit dans ces films. En effet, le premier film dénote, chez les joueurs, une certaine décontraction dans la manière d’aborder le jeu mais ils jouent en costume. Contrairement au deuxième où les joueurs sont concentrés sur le jeu mais abordent des tenues plus décontractés. Cela doit venir du fait que la pétanque s’est démocratisé au fil des années et que les premiers joueurs devaient ressentir une excitation à l’idée de jouer une compétition. Petit à petit, une distinction a dû se créer entre la pratique dans le cadre du loisir et la pratique à but compétitif. C’est pour ça que les ambiances développées dans ces films s’opposent. Donc, le concours de pétanque doit être abordé au niveau de son contexte et il faut essayer de le placer par rapport à l’histoire de la pétanque.



 

Le rôle des hommes et des femmes dans la pratique :

 

De manière implicite ou explicite, les rapports sociaux de sexe sont tout le temps présents dans l’espace social. Ils s’émissent là où on ne les attend pas, nous pouvons même les observer dans le cadre d’une partie de pétanque. À l’intérieur de ce corpus, chacun de ces films s’inscrit respectivement dans une époque précise. C’est pour cela qu’il serait de bonne méthode d’analyser ces films de manière chronologique, afin d’identifier une possible évolution ou régression des rapports homme/femme.

La première séquence a été tournée en 1927 chez un particulier probablement. On peut identifier seize individus en tout : quatorze hommes, deux femmes. Parmi les hommes, il y a deux petits garçons ayant moins de dix ans, le reste ont probablement entre quarante et soixante ans. La plupart des hommes sont en costume, certains ont un chapeau sur la tête. Quant aux femmes, elles portent une robe avec aux pieds, des chaussures ouvertes. Ici, elles sont des spectatrices. Leurs implications est mineures : au niveau numérique, spatiale (L’une est à l’écart du groupe, l’autre est seule au milieu des hommes), du jeu, etc….

Le deuxième film se déroule chez un particulier en 1927. Ce film peut être divisé en deux parties. En première partie, nous observons deux hommes jouant à la pétanque pendant que quatre femmes les regardent. Les hommes font des grands gestes avec les bras, se serrent la main à la fin de la partie, en bref, ils font le spectacle. Pour ce qui est de la deuxième partie, les hommes ne sont plus présents dans le champ, les femmes sont restées et une autre a rejoint le groupe. Mis à part la petite fille, tout le groupe joue, les femmes sont impliquées dans le jeu, font des grands gestes, etc…. Nous voyons clairement qu’après le départ des hommes, les femmes ont pu investir l’espace de jeu, « se libérer » en quelque sorte pour pouvoir pratiquer la pétanque.

La troisième séquence prend place chez des particuliers dans les années 1970. Nous voyons trois hommes. Deux d’entre eux ont environ soixante-dix ans, le troisième doit avoir trente ans. Ils portent tous des pantalons et des pulls. Globalement, les joueurs sont concentrés sur le jeu. Peu après, une jeune fille rejoint la partie. Les hommes n’ont pas l’air de changer leurs attitudes au niveau du jeu. On aurait pu penser qu’ils changeraient leurs manières de jouer du fait de l’arrivée de la jeune fille. Peut-être est-ce le signe d’une intégration progressive des femmes dans la pratique de la pétanque ?

Le dernier film a était réalisé dans un champ (manque de précision) en 1985. Nous observons onze individus âgés de soixante ans environ, précisément il y a cinq hommes et six femmes. Au niveau des tenues, les hommes sont en costume et les femmes sont en robe avec veste et talon. Au début de la séquence, les hommes jouent à la pétanque pendant que les femmes sont en groupe, elles discutent. Peu après, deux femmes rejoignent les hommes pour s’intégrer au jeu. Les autres continuent à discuter tout en regardant la partie en cours. Par la suite, ce sont les femmes qui jouent pendant que les hommes les observent, tout en les aidants. À la fin, des époques mixtes sont constituées pour que tout le monde puisse jouer. L’ambiance est détendue, il n’y a pas d’esprit de compétition. Nous voyons ici que les femmes se sont appropriées, petit à petit, le jeu où les hommes étaient dominants. Par la suite, il y a eu un rééquilibrage pour arriver à une parité homme/femme.

Quand on prend le temps d’analyser des films amateurs sur la pétanque, à travers la grille de lecture des rapports sociaux de sexe, on comprend que le mot « évolution » est une notion fondamentale ici. En regardant ces films de manière chronologique, nous pouvons voir clairement une évolution des rapports homme/femme dans la pratique de la pétanque. On part d’une exclusion du jeu pour les femmes du fait de leurs manques de présence dans l’espace. Petit à petit, il va y avoir une implication des femmes dans l’espace de jeu puis dans le jeu sans pour autant dépendre des hommes. Au final, on arrive à une normalisation de la présence féminine découlant, par la suite, sur une forme de mixité. L’évolution positives des rapports sociaux de sexe est très présente dans certains domaines depuis plusieurs années (exemple : le travail, la répartition des tâches domestiques, etc….) même si des progrès restent à faire. On voit ici toute l’utilité des films amateurs pour mettre en lumière ces évolutions.

Le lieu de la pratique :

 

Dans la plupart des films présents dans cette thématique, les joueurs et le jeu sont au centre de l’action. Pourtant, nous avons tendance à oublier un détail au combien important : le lieu. Cet aspect permet d’avoir un regard global sur la scène pour ensuite mieux la contextualiser. Dans le cas de la pétanque, le lieu nous apporte des informations, des détails concernant les joueurs. Il serait alors intéressant de regarder, au travers de plusieurs scènes, ce que nous dit le lieu par rapport à l’action.

Le premier film a été tourné en 1933 devant l’entrée d’une scierie. Nous pouvons voir un groupe d’homme (durant l’extrait, on passe de cinq à neuf individus) portant des pantalons à bretelle et des chemises à manche longue. Ils portent tous un chapeau ou une casquette. Le fait que l’action se déroule devant une scierie peut laisser penser que cette partie a eu lieu lors d’une pause. Cependant, la tenue des joueurs vient contredire cette hypothèse puisqu’ils ne sont pas en tenue de travail. La description du film précise que ces parties avaient lieu ici du fait de la proximité avec un café, sur la rampe Saint Maurice à Marseille ; probablement le dimanche. Cela nous permet de rappeler qu’il faut replacer le lieu dans son contexte avant de proposer une analyse.

Le deuxième film se déroule en 1955 sur une route de campagne. Nous voyons trois hommes, habillés de la même manière (pantalon à bretelle, chemise à manche longue, veste de costume pour l’un d’entre eux, ils portent tous un béret). Nous distinguons clairement que cette scène se déroule à la campagne, dans un environnement rural. Les routes étaient peut-être les seuls lieux où l’on pouvait pratiquer la pétanque. Ou tout simplement, ces individus souhaitaient jouer dans un lieu neutre, à l’extérieur d’une propriété. Plusieurs interprétations sont possibles dans ce cas-là.

Le troisième extrait a été tourné durant les années 1950 sur un terrain vague. Nous observons une vingtaine d’hommes en train de jouer à la pétanque. Les tenues sont relativement variés : pantalon – pull, costume, chapeau ou béret sur la tête, etc…. Plusieurs choses se passent dans cet extrait : des enfants jouent à côté, trois individus promènent. On peut donc penser que la partie se déroulait sur un terrain communal. On est donc dans un lieu destiné à la détente et aux loisirs où, en général, des pratiquants de la pétanque vont se retrouver pour jouer.

Le quatrième film date des années 1970 dans la cours d’une école. Nous pouvons voir sept individus dans cette scène : des hommes âgés de quarante à soixante ans, un enfant d’une dizaine d’années, ils portent tous un pull et un jean sauf l’homme le plus âgé qui est en costume. Deux chiens sont présents dans la scène. Contrairement aux autres films, on est ici dans un lieu public (une école) mais privatisé dans certains cas (le week-end lorsque l’école est fermée par exemple). Les joueurs ont probablement accès à ce lieu du fait de leurs statuts dans l’institution scolaire (professeur, directeur d’établissement). Donc, Le lieu de la pratique peut être inaccessible dans certains cas.

Le cinquième film prend place à la campagne en 1981. Sept individus sont présents dans l’extrait : trois femmes (une a vingt ans, elle porte un jean et un t-shirt ; les deux autres ont soixante ans environ et portent une robe) et quatre hommes (ils ont tous la trentaine, ils portent un jean et une chemise). On peut penser que les individus sont en vacances, du fait de leurs tenues ainsi que l’ambiance détendue qu’il se dégage de cette scène. La partie est probablement improvisée, courte et précaire puisque ce terrain n’est pas destiné à la pétanque à la base.

Après le visionnage et l’analyse de ce corpus, plusieurs éléments intéressants ressortent. Quel que soit les époques, nous ne distinguons pas de tendance, ni même de régularité sur le lieu de la pratique : terrain vague, route de campagne, entrée d’une scierie, etc…. Ensuite, nous pouvons dire que les différences géographiques de ces lieux sont aussi liées à la pluralité de situation. Chaque partie s’applique à un contexte différent : les vacances, une compétition, etc…. Tous ces films mettent en lumière le fait que la pétanque amène plusieurs situations selon le contexte, ce qui montre la richesse de ce sport.

 

Un loisir intemporel :

  

 

Comme nous l’avons expliqué dans l’introduction, la pétanque est sujette à une évolution aux travers des décennies. Selon les individus qui la pratiquent, la situation géographique ou encore le contexte socio-historique, des différences peuvent être mises en lumière, tout comme des similarités. Même dans sa conception la plus basique, c’est-à-dire se déroulant dans le cadre du loisir, nous allons tenter d’observer ces changements.

Le premier film traité dans cette partie a été filmé en 1933 dans une maison de campagne. Nous voyons deux hommes : un homme (âgé d’une quarantaine d’années), vêtu d’un polo et d’un pantalon, jouant avec son fils, lui aussi vêtu d’un polo et d’un pantalon. La présence de deux joueurs ainsi que l’étroitesse du terrain donne un côté intrusif à la scène. Le comportement du père et du fils durant la partie renforce cet aspect-là, une ambiance intimiste y est insufflée. Par le prisme de cette confrontation père-fils, nous nous trouvons ici dans une approche intimiste de la pratique, celle qui se déroule à l’abri des regards.

Le second extrait a été tourné en 1937 à la Penne sur Huveaune (13). Cette séquence est divisée en deux parties : la première comporte huit hommes, âgés de trente à soixante, en costume pour certain, pantalon-chemise-gilet pour les autres, qui sont en train de jouer dans un champ. La seconde séquence inclus une douzaine d’hommes, en costume, jouant en centre-ville probablement. Nous ne savons pas si ce sont les mêmes hommes sur les deux séquences, cependant nous observons une distinction entre ces deux séquences. La première développe une atmosphère sérieuse, où les joueurs sont concentrés sur le jeu. La seconde séquence met en lumière une certaine excitation chez les joueurs : ils rigolent, fument, courent à côté du terrain, etc…. Ces oppositions mettent en avant le fait que la situation et le comportement des individus sont différents, même si ces scènes ont été tournées à la même époque et dans un lieu géographique similaire. Cela permet de rappeler l’importance de contextualiser des extraits avant de les comparer.

Le troisième extrait se déroule à l’Estaque, chez des particuliers, dans les années 1950. Nous pouvons voir cinq individus : un enfant, trois hommes (ils portent un pantalon et une chemise) et une femme (elle porte une jupe longue et un t-shirt). Ils sont tous âgés de quarante ans probablement. Les joueurs sont concentrés sur le jeu, mis à part la femme qui sourit, les hommes ne laissent pas transparaitre une forme d’amusement dans leurs comportements. On remarque aussi que l’un des joueurs mesure l’écart entre les boules, ce qui dénote le sérieux des joueurs. Même si nous nous trouvons dans un cadre intimiste, c’est-à-dire chez des particuliers, la pratique peut-être sérieuse et retranscrire un certain esprit de compétition.

La quatrième séquence a été tournée à Marseille, chez des particuliers, dans les années 1980. Nous pouvons identifier sept individus dans la scène. Quatre femmes (trois d’entre elles sont en robe, une porte un short et un t-shirt) et trois hommes (un d’entre eux est en costume, les deux autres portent un pantalon et t-shirt). Il est difficile d’identifier l’âge des individus, sauf pour les deux individus assis à gauche de l’image (environ soixante-dix ans). Les individus ont l’air d’être concentrés sur le jeu, ils commentent entre eux la partie. De plus, il n’y a pas vraiment de l’exaltation par rapport à la partie. Tout cela peut être mis en opposition avec la deuxième séquence, où les hommes en costume jouaient de manière décontractée. Ici, les tenues des joueurs sont décontractées, mais leurs comportements restent sérieux. Ce nouveau cas de figure pourrait être comparé avec la troisième séquence, où le contexte est relativement similaire : une partie sérieuse dans un cadre relatif à la détente.

Le cinquième film prend place chez des particuliers, dans les années 1980. Nous voyons six individus, des joueurs probablement : trois femmes (les trois portent une robe, difficile d’identifier leurs âges, probablement entre quarante et soixante ans), deux hommes (tous les deux portent un pantalon et une chemise, ils ont environ la vingtaine) et un petit garçon. Trois hommes sont assis à côté du terrain et regardent la partie. Nous remarquons une ambiance « bon enfant » entre les joueurs, tout cela est soutenu par la réaction des spectateurs. Cette ambiance provient peut-être de la pluralité de génération représentée dans cette scène. Nous sommes donc dans une optique de détente dans le cadre d’une fête de famille, probablement.

À travers les différentes situations que nous avons traitées dans ce corpus, une idée majeure ressort ici. Il est difficile d’observer une réelle évolution de la pratique de la pétanque, en tant que loisir. Cela vient du fait que cette pratique répond à une pluralité de contexte et de conceptions de la pratique venant des individus. Pour l’aspect « loisir », une analyse isolée de chaque film doit être requise, afin de comprendre chacun des cas se présentant à nous.

 

Dimension cinématographique :

 

Cette partie va se concentrer sur un aspect important présent dans les films, pourtant elle reste peu discuté : la manière de filmer ou la dimension cinématographique. Du fait que cette modalité a été peu abordée dans cette thématique consacrée à la pétanque, il nous paraissait fondamental d’y consacrer un corpus entier. À travers cette dimension, plusieurs questions peuvent être posées : est-ce que la caméra se concentre sur les joueurs ? Sur la partie ? Sur les spectateurs ? Etc…. c’est ce que nous allons essayer de questionner via cinq extraits.

Le premier film traité dans cette partie a été tourné en 1957 à Gemenos. Nous suivons cinq hommes en train de jouer à la pétanque. Ils sont tous vêtu d’un pantalon, d’une chemise et d’une cravate (sauf pour l’un d’entre eux). La caméra se concentre majoritairement sur les joueurs. Elle tente de capter leurs réactions ou leurs non-réactions par rapport au jeu. De plus, les multiples coupes viennent du fait que le monteur a voulu présenter un maximum de situation. La scène étant très riche et probablement longue, il a donc choisi les instants représentatifs de la pratique. Par exemple, la mesure à la fin d’une manche tout comme le baiser avec Fanny sont des images très présentes dans l’imaginaire collectif. La représentativité de la pratique était l’objectif du réalisateur ici.

Le second film se déroule à l’Estaque durant l’année 1963. Nous pouvons y voir cinq hommes et un petit garçon. Chacun porte un pantalon, accompagné soit d’une veste de costume, d’un pull ou d’une chemise. Deux d’entre eux sont probablement âgés d’une soixantaine d’année tandis que les trois autres ont entre trente et quarante ans. Par la suite, plusieurs individus sont apparus dans le champ de la caméra. Comme pour l’extrait précédent, nous remarquons que l’attention du caméraman est peu centrée sur le jeu mais sa démarche est différente. En effet, le caméraman va filmer les joueurs durant la partie mais aussi en dehors. En nous proposant des portraits face caméra de certains individus, nous comprenons la démarche du réalisateur qui consiste à capturer un contexte et ses acteurs. Pour ensuite, essayer de retranscrire le mieux possible cet instant de vie.

Le troisième film date de 1977, nous n’avons pas d’information précise concernant sa location, mis à part ceci « Sud de la France ». Dans cette scène, nous pouvons identifier une vingtaine d’individus en train de regarder ou de jouer à la pétanque. Nous pouvons ici majoritairement identifier des hommes, portant des polos ainsi que des jeans. Dans cette séquence, le plan est extrêmement large, nous avons un aperçu du jeu, des joueurs et des éléments extérieurs, comme le lieu par exemple. Quelques zooms sont effectués sur les joueurs mais pour le caméraman, l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est de capter la partie, qui est au centre des attentions.

Le quatrième film prend place chez des particuliers, dans les années 1980. Nous arrivons à identifier six individus, des joueurs probablement : trois femmes (les trois portent une robe, difficile de leur fixer un âge précis, probablement entre quarante et soixante ans), deux hommes (tous les deux portent un pantalon et une chemise, ils ont environ la vingtaine) et un petit garçon. Trois hommes sont assis à côté du terrain et observent la partie. Une atmosphère familiale ressort fortement ici. La caméra bouge constamment, le côté familial et « fait maison » est alors amplifié. Cet aspect démontre l’envie, chez le caméraman, de saisir les réactions de tous les individus présents dans la scène. Bien sûr, le jeu n’est pas mis en côté, il reste un moyen pour capter cet instant, celui du rassemblement familial.

Le cinquième film date des années 1980, l’action se déroule dans la ville de Gémenos. Onze personnes sont présentes : deux femmes et neuf hommes. Les tenues de ces individus sont quasiment uniformes, c’est-à-dire un pantalon, un pull et un béret pour certains. Pour cet extrait, nous avions à notre disposition un commentaire audio. Il a été supprimé pour garder une cohérence avec le reste du corpus. Cependant, il peut être un élément de réflexion intéressant. En effet, l’image est coupée à plusieurs moments pour montrer au spectateur les multiples dimensions de la scène (exemple : les joueurs, la partie dans son ensemble, les spectateurs, etc…). Cette recherche dans la capture de l’instant, plus la présence d’un commentaire audio, laisse entendre que cet extrait s’inscrit dans une perspective documentaire.

Une idée centrale ressort dans cette partie, cette idée est la suivante : la manière de filmer ainsi que la composition du film dépend de la personne qui détient la caméra. C’est lui qui va choisir sur quoi la caméra doit se focaliser, le zoom, etc…. Cette affirmation s’applique à tous les types de documents audiovisuels, il est donc important de le rappeler. L’évolution technique, à travers le temps, est aussi à prendre en compte. Puisque la vision du réalisateur peut se faire ou non, à partir des moyens techniques à sa disposition. Cependant, il est plus difficile d’identifier cela pour des films amateurs, étant donné que les moyens sont pratiquement les mêmes pour tous les individus. Quand on s’intéresse à la dimension cinématographique d’un film amateur, il faut prendre en compte ces deux aspects pour ensuite, mieux comprendre la démarche du réalisateur.

 

En conclusion de cette exposition de corpus, nous allons tenter de répondre à la question posée en introduction. C’est-à-dire, est-ce que, à travers ses représentations, la pétanque se situe-t-elle dans un processus évolutif ? Avec les corpus produits ici, il est difficile de parler d’évolution historique. En effet, les films choisis ne sont pas représentatifs de tous les films existant sur la pétanque, il est donc impossible d’affirmer cette idée à partir d’un petit échantillon de film. Ensuite, ces films représentent une pluralité de situation, nous ne pouvons pas définir des phénomènes réguliers. Ces deux idées vont donc à l’encontre de la problématique définit en introduction.

Cependant, ces corpus nous ont permis d’avancer des éléments de réflexion sur les films amateurs. Ainsi, plusieurs idées peuvent être avancées. D’abord, la prise en compte du contexte est fondamentale. Nous l’avons vu au travers des différentes thématiques, il est impossible de proposer une analyse d’une représentation sans prendre en compte cet aspect. Ensuite, il existe une pluralité de dimension auxquelles nous devons faire attention pour ne pas isoler notre regard. En effet, si nous nous concentrons sur certaines thématiques, il y a un risque de laisser de côté d’autres thématiques. C’est ce qui s’est passé pour l’analyse de la pétanque. Nous sommes concentrés sur des thématiques mais nous avons oublié d’autres approches possibles. Enfin, nous avons montrés qu’un sujet peut être abordé par une pluralité de thématique (exemple : les rapports sociaux de sexe).

Même si les deux derniers paragraphes laissent un goût amer par rapport à la démarche entrepris. Nous avons l’impression que cette réflexion est incomplète, inachevé voir frustrante de par ses biais. Mais cette analyse nous a permis d’éclairer certains points pouvant servir à la compréhension future des films amateurs. Le même constat peut être fait concernant la pétanque.

 

Source :

Le site internet du musée de la boule

Le site internet de la fédération française de pétanque (FFPJP)

 

Pour aller plus loin :

Le site « Cairn » où vous pourrez trouver des textes scientifiques autour de la pétanque