Films d'archives d'Algérie

L’Algérie des cinéastes amateurs et familiaux
Texte de Pascal Génot *

Les images des cinéastes amateurs et familiaux sont aussi anciennes que le cinéma lui-même. Elles forment un patrimoine culturel, source d'informations historiques, ethnologiques et sociologiques. En Algérie, de nombreuses images ont ainsi été enregistrées. Dans les grandes villes, Alger, Oran et Constantine. Mais aussi dans l'intérieur du pays, jusque dans le Sud. Pendant la guerre d’Algérie, les Français appelés pour leur service militaire ont filmé des souvenirs de leur quotidien hors des combats. Après l'indépendance, les caméras d'amateurs ont continué de tourner. Celles des coopérants dans les années 1960. Et celles, bien sûr, des Algériens. Cinémémoire collecte l'ensemble de ces films inédits pour les rendre accessibles aux publics d'aujourd'hui.

Les films de famille et d’amateur ont accompagné l’histoire du cinéma. Depuis 20 ans, Cinémémoire collecte, conserve et valorise ce patrimoine culturel. Installée à Marseille, l’association axe son projet d'archives à la fois en direction de la région Sud et des anciennes colonies, avec l'ambition de rendre ces images accessibles aux publics des deux rives de la Méditerranée, et au-delà.

Dès 1997, le réalisateur Claude Bossion a collecté des films relatifs aux anciennes colonies d’Afrique et d’Asie pour le projet Mémoire d’Outremer. Cette initiative s’est poursuivie à partir des années avec Mémoires partagées, série encore en cours de collectes de films, d’ateliers de formation et de création, ainsi que de projections en France comme dans les anciennes colonies. Dans le cadre des Mémoires partagées Algérie-France, un partenariat avec la Cinémathèque algérienne abouti, notamment, à l’événement L’archive en question, en 2010, cycle de rencontres, projections et colloques. Cette ensemble de projets constituent les multiples valorisations d’une collection qui ne cesse de s’enrichir.

L’Algérie, de par ses liens passés et présents avec Marseille et le territoire Provence-Alpes-Côte d’Azur, est l’un des pays les mieux documentés par le travail de Cinémémoire. Actuellement, plus de 700 séquences concernant l'Algérie peuvent être consultées par tous via le site Internet de l’association. Les plus anciennes images remontent à 1928. C’est-à-dire à la période où les pratiques cinématographiques en amateur ont pris de l’essor, avec la commercialisation dès 1923 des caméras Pathé Baby conçues pour les pellicules de format 9.5 mm. Dans ces même années, on approche également du centenaire de la colonisation de l’Algérie, territoire conquis militairement à partir de 1830. L’histoire, directement ou indirectement présente dans les images filmées par les amateurs, donne à ces films un intérêt documentaire particulier.

Les films de famille et d'amateurs tournés en Algérie sont similaires, dans leur principe, à ceux qui ont été tournés ailleurs en France et dans le monde. D’abord très majoritairement réservées au milieux les plus aisés, ces pratiques se sont étendues socialement à partir des années 1930, avec l’apparition des caméras 8 mm, puis, surtout, à partir de 1965 avec le célèbre « Super 8 ». Il s'agit, le plus souvent, d'enregistrer des souvenirs des lieux et des moments symboles du vécu heureux d'une famille. Parfois, lorsque l’occasion s'y prête, de filmer un moment de la ville ou du village où l'on habite et qui « sort de l'ordinaire ». Mais la particularité de ces images est qu'elles illustrent aussi des instants de l'histoire de l'Algérie coloniale, puis post-coloniale.

Parmi les fonds d'images conservés par Cinémémoire, nous avons sélectionné plusieurs films remarquables. Ces images sont, notamment, le signe de l’importance de l’exploitation des ressources primaires, agricoles, minières ou pétrolifères, dans l’histoire contemporaine de l’Algérie. Elles sont aussi la trace de moments de légèreté, de convivialité, dans des contextes souvent difficiles. Chacun de ces films est ainsi à la fois la trace d'une aventure humaine vécue par les cinéastes amateurs sur leur temps de loisirs ou dans leur vie professionnelle, et un document visuel.

* Pascal Génot est docteur en Sciences de l’information et de la communication de l’Université de Corse – Pasquale Paoli. Ses recherches portent sur la patrimonialisation culturelle du cinéma et la construction sociale des identités collectives. Il a enseigné la sociologie des publics dans le département Arts du spectacle de l’Université de Montpellier – Paul Valéry de 2012 à 2019 et a publié, notamment, La Corse au regard du film amateur (Éditions Alain Piazzola et Cinémathèque de Corse, 2003). Depuis 2010, il collabore régulièrement comme expert et auteur avec Cinémémoire. Il a co-conçu avec Claude Bossion le web-documentaire A l'ouest de la provence (2021), création numérique dont il a écrit les textes.

 

Ces pages ont été réalisées et seront complétées par de nouvelles pages prochainement, grâce au soutien du Programme national de Numérisation et Valorisation des contenus culturels du Ministère de la Culture, piloté par la DRAC PACA - Direction Régionale des Affaires Culturelles Provence Alpes Côte d'Azur.

Voir les films numérisés et indexés dans le cadre du Plan National de Valorisation 2022 (compléments à venir, en cours d'indexation)