En 2015, Danièle Passelaigue nous à fait don de sa collection de films amateurs, une collection riche à travers l'Europe des années 70-80, mais pas seulement ...
Madame Passelaigue nous a gentiment accordé une rapide interview, dans laquelle elle revient sur sa rencontre avec le cinéma amateur et comment ce dernier à rythmé sa vie.


"Depuis toujours j'ai été fascinée par le film sans avoir ni les moyens d'aller au cinéma, hormis le cinéclub de mon lycée (Lycée Longchamp de Marseille), ni ceux  de m'acheter du matériel à l'époque très onéreux. J'étais l'ainée d'une famille peu aisée où l'on privilégiait, en ces temps là, les études des garçons. On me refusa donc de préparer le concours de l'IDHEC (devenu la FEMIS) après mon bac.

Ayant vécu des moments très particuliers au fil de ma vie, j'ai eu, un jour, la chance de recevoir une excellente caméra super 8 BAUER, puis au hasard d'un séjour en Allemagne, du matériel de montage et de projection.... avant de découvrir (avec moins de bonheur) quelques années plus tard la vidéo.

Tout ce qui me semblait insolite, nouveau, surprenant devait, pour moi, rester en mémoire!
C'est ainsi qu'invitée à descendre en radeau le fleuve qui traverse Munich, l'Isar,  j'ai voulu filmer cette expérience très particulière.
Sur chaque radeau en amont du fleuve, des camions apportaient d'énormes troncs d'arbres ajustés assez rapidement  sur lesquels prenaient place un orchestre, l'incontournable fût de bière puis les passagers.
Ce fut extraordinaire: pas d'écluses mais des toboggans abordaient les différents niveaux de cette rivière. Je vous laisse imaginer l'appréhension de certains au départ, pendant que l'orchestre nous régalait de ses airs, que la bière coulait à flots, avant que certains ne se mettent à danser, même sur la rive (!!), d'autres se jetaient à l'eau, malgré la pluie qui a obligé l'orchestre à se mettre sous des bâches de plastique.
Je vous laisse imaginer l'ambiance, les fous rires, voire les cris de frayeur au passages des toboggans... Pour des raisons qui me sont inconnues, cette descente de l'Isar n'a plus lieu.

Descente de l'Isar
Film super 8, couleur, sonore, Allemagne, septembre 1975




J'ai vécu aussi les implantations du mat de mai "Maibaum", la bénédiction d'étranges rameaux avant que nous n'allions dévaler de magnifiques pentes de ski, sans oublier de participer à l'"Oktoberfest" où d'accortes soubrettes à la très larges poitrines pouvaient transporter 10 "Massbier" (soit 10 grosses chopes de bière pleines) en les posant partiellement sur leurs seins! C'est donc l’œil d'une femme, d'une française, qui a su capter cette célèbre manifestation populaire comme celle de certains Fasching, alias les soirées de Carnaval.

Oktoberfest
Film super 8, couleur, silencieux, Allemagne, fin des années 70



Pendant ces quatre années en Allemagne, où j'ai acquis un niveau de licence en allemand à l’université de Munich, j'ai également eu la chance de pouvoir faire certains voyages. J'ai eu envie de tout filmer, les oiseaux picorant dans la neige, les arbres ployant sous la neige, certaines villes visitées mais ... particulièrement tout ce qui était, à l'époque, interdit, en particulier dans les pays dits de l'Est,  Pologne, Russie et ce qui s'appelait encore la Tchécoslovaquie; ces derniers films sont plus intéressants de nos jours, maintenant que le "rideau de fer" d'antan n'existe plus vraiment.
J'ai, à cette époque, dû tricher dans l'avion en cachant aux yeux du steward ma caméra et en filmant certains aéroports. Je me régalais! Je sais que le centre de Varsovie a considérablement changé, que Prague s'est ouverte au monde, comme certains coins de Russie, en particulier les églises, lieux quasi interdits en ces temps là où l'on m'avait confié en tant que française de distribuer certains objets que les Allemands plus surveillés n'avaient pas le droit d'apporter.

URSS

Film super 8, couleur, silencieux, Allemagne, 1976


J'ai pu aussi aller en Allemagne, Danemark, Suède, mais ce sont des films que j'estime sans intérêt autre que celui qu'ils représentent pour moi.
En revanche, Jean Rouch, peu avant sa mort, hélas, a manifesté un intérêt certain pour mon film sur le Niger dans lequel apparait un musée qui, depuis, a disparu dans les flammes. C'est ce qui fait toute la valeur de ce petit film tourné en 1980 (mais nous n'avons pour le moment pas réussi à identifier de quel passage du film il s'agit).

Niger
Film super 8, couleur, silencieux, Niger, 1980


En France, ce fut passionnant de découvrir notre pays à partir de la motrice de certains trains "touristiques" comme celui de Digne - Nice ou avec le "Cévenol", les gorges de l'Allier puis de l'Ardèche dans ce train ralliant Paris à Nîmes via Clermont - Ferrand.

France
Film super 8, couleur, silencieux, France, début des années 80



Tourner, monter ces films furent des moments passionnants avant que je n'aille suivre des stages à l'INA, et que je ne tourne quelques petits films documentaires de commande, faute de pouvoir trouver le producteur et le réalisateur qui m'aideraient à donner vie à des projets que je nourris depuis plusieurs années dont un parlant du problème de l'eau à travers le portrait d'une journaliste qui s'est suicidée faute de ne pouvoir tourner ce film pour lequel elle avait tellement interviewé, travaillé, collecté de documents,  et un autre particulièrement ambitieux concernant Fellini!

Pas question d'aborder ici les petits films familiaux auxquels chacun peut se consacrer dans certains moments de vie."